24 avril 2025 Annie Cicatelli

Une interview inédite

 

1. Le crochet fait partie de votre vie depuis longtemps, aux côtés d’autres techniques comme la broderie au point de croix. Qu’est-ce qui vous a amenée à en faire aujourd’hui votre moyen d’expression principal ?

Le crochet est un outil idéal pour moi – après de nombreuses années de pratique – pour traduire mon engagement écologique et sensibiliser à la préservation des océans. D’abord, il me permet de recréer la beauté et la complexité des fonds marins : les textures organiques du corail, les ondulations délicates des anémones, ou encore les formes étranges des créatures abyssales prennent vie grâce aux mailles entrelacées.

Mais au-delà de l’esthétique, le choix du crochet est aussi un acte militant. J’utilise des fils et des supports issus de matériaux recyclés pour montrer comment nos déchets peuvent être transformés en œuvres porteuses de sens. Ce contraste entre la douceur du crochet et la dureté du sujet—la pollution des océans, la destruction des récifs coralliens— est censé apporter un début de réflexion chez le spectateur.

Enfin, le crochet a cette dimension collective et lente qui s’oppose au rythme effréné de la consommation moderne. Chaque pièce est le fruit d’un travail minutieux, presque méditatif, qui invite à revaloriser le fait-main et à repenser notre lien avec la nature. À travers mes sculptures, j’espère éveiller une curiosité, une émotion, et surtout un désir d’agir pour protéger ces écosystèmes fragiles.

2. Vos œuvres s’inspirent des fonds marins et intègrent une forte dimension écologique. Comment le crochet vous permet-il de traduire cet engagement et de sensibiliser à la préservation des océans ?

Le crochet m’accompagne depuis longtemps, tout comme la broderie au point de croix, mais ce qui m’a poussée à en faire mon moyen d’expression principal, c’est sa liberté et sa capacité à sculpter le fil dans l’espace. Contrairement à la broderie, qui reste bidimensionnelle et attachée à un support, le crochet me permet de construire des volumes, d’explorer des formes organiques et mouvantes, parfaites pour évoquer les paysages sous-marins qui m’inspirent.

J’aime aussi le rythme du crochet : il est à la fois instinctif et structuré, presque méditatif. Chaque maille s’ajoute aux autres comme les cellules d’un organisme vivant, et c’est cette souplesse qui me permet de donner vie à des œuvres qui semblent croître naturellement, comme le feraient des coraux.

Enfin, le crochet a une dimension engagée qui résonne profondément avec mon travail. Il est historiquement associé au savoir-faire féminin, à la transmission, au fait-main, et je trouve qu’en détourner l’usage traditionnel pour en faire un médium artistique et militant, c’est aussi une manière de questionner notre rapport à l’artisanat et à l’environnement. C’est donc tout naturellement que le crochet s’est imposé comme mon langage privilégié pour raconter les océans, leur beauté, leur fragilité, et notre responsabilité à les protéger.

3. Selon vous, en quoi les savoir-faire traditionnels peuvent-ils éveiller les consciences et encourager une approche plus respectueuse de l’environnement ?

Les savoir-faire traditionnels ont cette capacité unique de nous reconnecter au temps long, à la patience et à la valeur du fait-main, trois notions essentielles pour repenser notre rapport à l’environnement. Dans un monde où la surconsommation et la production industrielle effrénée épuisent les ressources naturelles, revenir à des techniques artisanales comme le crochet, la broderie, le tissage… nous invite à ralentir et à revaloriser ce qui est durable.

D’abord, ces savoir-faire s’ancrent dans une logique de transmission et de préservation. Ils portent en eux la mémoire des générations passées et nous rappellent qu’il existe des alternatives à la culture du jetable. Travailler avec ses mains, réparer, transformer, recycler, ce sont des gestes qui nous encouragent à consommer autrement et à privilégier des matières plus responsables.

Ensuite, ces pratiques offrent une forme de résistance à la standardisation et à l’uniformisation des objets. Chaque pièce créée artisanalement est unique, imparfaite, vivante. Dans mon travail, j’aime justement jouer avec cette singularité pour montrer que la nature elle-même est faite de diversité et d’équilibres fragiles qu’il faut préserver.

Enfin, utiliser ces techniques pour porter un message écologique, c’est aussi valoriser une approche plus consciente de la création. En choisissant des matériaux recyclés, en les intégrant ou en détournant des savoir-faire anciens pour évoquer des enjeux contemporains, on crée un pont entre tradition et engagement. C’est cette alliance qui, selon moi, peut éveiller les consciences et inciter à une approche plus respectueuse du monde qui nous entoure.

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