Ces derniers jours, les débats ici et là m’ont ramené à certaines périodes de mon enfance.
Je fus deux fois immigrante. La première, dans les années 60, quand mes parents sont partis au Brésil. Valises sous le bras, 4 enfants en bas âge, ne sachant pas un mot d’espagnol ou de portugais, nous voici embarqués sur un bateau, le Federico C, en partance de Marseille. Cette nuit-là, inoubliable, la tempête fait rage. On nous embarque en mer, le bateau ne pouvant accoster. J’avais 9 ans. Destination l’Argentine, où la communauté d’émigrés siciliens est grande, mais on finira au Brésil, où on a débarqué, une quinzaine de jours plus tard.
Lire la suite : Immigration, grand débatLa seconde fois, dans les années 80, quand j’ai décidé de revenir en France. Valises sous le bras, avec un enfant en bas âge, sans avoir parlé le français pendant plus de 20 ans, cette fois-ci nous prenons l’avion : Aerolinhas Argentinas. Panne de moteur au dessus de Rio, nous voilà de retour après avoir survolé la ville pendant quelques heures pour brûler du combustible, avec nos 200 kg de bagages. Nous repartirons le lendemain matin, après avoir passé une très courte nuit dans un hôtel 5 étoiles, le Gloria, que aujourd’hui malheureusement n’existe plus. Nous serons débarqué tard dans la soirée à Madrid, comme des malpropres et ça c’est encore une autre histoire.
Revenons donc à ma vie d’immigrante. Les deux fois ont été difficiles. La première, la découverte d’une autre culture, d’une autre langue, d’une autre manière de vivre. La seconde, le retour aux sources, mais dans un pays décrit par mes parents qui n’existe pas. Après plus de 20 ans de Brésil, ils avaient gardé des images, des fois imaginées, qui n’existaient plus ou qui n’avaient jamais existé.
Entre migrant, c’est dure. Etre une femme migrante est encore plus difficile. Nous ne sommes pas vues comme des aventuriers style Indiana Jones, ce personnage qui veut apprendre et comprendre. Mais plutôt comme des aventurières qui sont là… pourquoi sont-elles là ? Pourquoi sont-elles seules ? Que cherchent-elles ? Ce qui me fait repenser au texte de Flora Tristan, cette femme remarquable, auteure de « Nécessité de faire bon accueil aux femmes étrangères« . « Dans sa biographie, Flora Tristan, (Gallimard, 2022) Brigitte Krulic revient sur la vie incroyable et sur la pensée de Flora Tristan qui questionnait, il y a 200 ans, la place des femmes dans l’espace public et la notion de consentement féminin. »
Et tous ces débats, ces gens qui aiment parler de l’immigration, qui parlent comme si la France n’avait pas été construite avec des femmes et des hommes venus d’ailleurs…